L’Atelier de Création Poétique de la Faculté des Lettres, présente un choix de ses travaux d’Octobre autour de l’image Battement du ciel, et du dialogue entre je et tu jusqu’au nous.
Certains de ces textes publiés dans cette seconde livraison de la Chronique feront l’objet d’une mise en voix à l’occasion du spectacle de l’Atelier de Création Poétique qui sera présenté le 30 novembre 2021 à 18h30 en salle d’évolution du Portique.
jours
heures minutes secondes
jusqu’à
Mascomania: spectacle de l’Atelier de Création Poétique
Clémence Navoret : Le battement du ciel
Laisse moi compter
Ciel
Un temps
Une syllabe
Un
Je compte
Un, deux, trois
Mes doigts se déplient
Au fil des chiffres
S’il te plaît
Laisse-moi écouter
Le point d’orgue du bleu
Rebecca Odena : Cri du ciel
L’ange émerveillé par la beauté des hommes
a voulu se faire tatouer un visage sur les fesses
l’ange est descendu du ciel
laissant derrière lui ses ailes
Arriva ce qui arrive quand un ange perd sa grâce
Son esprit laisse la place
à un corps en défaillance
Et depuis tous les orages
ont le cri d’une âme blessée tombée du ciel.
Inès Loeber : Cris du ciel
Chuchotements ou cris ?
Difficile de savoir, quand on est étourdi par un vieil amour enfoui.
Tu m’appelles ; je l’entends là-haut, je ne sais que dire, absorbée de doutes errants.
Tes démons m’ont retrouvée, naissant là des nuées, ce sont des cris, pour vous
ce son est néant.
Ces cris,
qui foudroient, laissent mon cœur en flamme.
Ces cris,
sortis droit de la tempête, assourdissent mes larmes, qui coulent à flots.
Je me ressaisis, ce combat infernal, du simple vent, s’achève en rafale.
Mon masque sur ma bouche tressaille.
Une solution : mes oreilles se feront muettes à jamais, je les bâillonnerai.
Cet amour est mort, cette jeunesse enterrée, mais viennent à moi ces échos étouffés.
Le ciel sera donc toujours à ma poursuite.
J’appelle cela exister.
Merdi M. Mukore : Sans titre.
Je regarde
Tu observes
J’observe
Tu vises
Je vise
Tu ajustes
J’ajuste
Tu avances
J’avance
Tu déblaies
Je déblaie
Tu touches
Je touche
Tu renifles
Je renifle
Tu sens
Je sens
Tu caresses
Je caresse
Tu te retires
Je me retire
Tu grondes
Je gronde
Tu plaques
Je plaque
Tu te cambres
Je me cambre
Tu souris
Je souris
Tu me pousses
Je te pousse
Tu me repousses
Nous continuons ainsi jusqu’à l’aube
John Chacal : Dialogue de Sourd
EUQSAM
Me voici, ma dame, au cœur du jour et aux plaisirs de la nuit. Portez-vous entre vos lèvres les mêmes amours que les miens ? Sous vos plumes et dentelles, trouve-t-on un coin de sourire pour accueillir ma tendresse ? J’ôterais bien mes gants pour vous présenter patte blanche, mais l’horreur de nos convives costumés ne ferait que grandir.
DESIREE
Bel ami, vous n’avez d’effrayant que les cornes étirant vos tempes, et je ne veux connaitre ni votre peau ni votre candeur. Sous vos écailles et votre or, sous cette figure, votre voix résonne et je ne saurais plus si vous êtes en-dessous ou au-dessus. Je ne sais pas en quel roi ou guerrier vous êtes le reflet, mais la gloire vous fait honneur.
EUQSAM
Mais vous ne savez-donc pas ?
DESIREE
Quoi donc ?
EUQSAM
Mon visage ne connait ni tromperie ni souillure. Je me présente à vous, le cœur mis à nu.
DESIREE
Seigneur !
EUQSAM
Vous pouvez le dire. J’ai ordonné hommes et femmes, leur ivresse et leurs parades. J’ai cueilli l’amour et la haine de mes fidèles. Encore, je suis porté en plus haute estime à ceux qui pleurent mes fissures.
DESIREE
Mais, redîtes-moi votre nom.
EUQSAM
Masque.
MASQUE
Mensonge !
DESIREE
Pardon ? Masque ou Mensonge ? Monsieur Masque Mensonge ? Quelle est l’étrange voix qui vous raisonne ?
EUQSAM, levant sa main vers sa bouche couverte
Eh bien… Oui, oui c’est cela, Monsieur Masque Mensonge. Voulez-vous…
MASQUE
Mensonge ! Mensonge !
Désirée recule.
EUQSAM
Tel est mon nom ! Le nom que je désire par les dieux que vous portiez. Le désirez-vous ? Libérez mon cœur de l’attente.
DESIREE
Mon bon Monsieur, il est si tôt ! Il est vrai que j’éprouve pour vous des sentiments nouveaux mais…
MASQUE
Mensonge ! Mensonge ! Mensonge !
Désirée prend peur et s’enfuit.
EUQSAM
Mais que fais-tu !
MASQUE
Je perds patience. Je veux bien te prêter mes charmes, mais être le complice de ton arrogance, ça, non !
EUQSAM
C’est de la cour, rien d’autre. Elle aurait pu devenir mienne !
MASQUE
Mensonge.
EUQSAM
Tais-toi ! Qu’en sais-tu ?
MASQUE
Je vois. Je sais. Et bientôt. Œil pour œil, bientôt tu comprendras cette peine. Tu veux être usurpateur ? Alors permets-moi de te donner un autre de mes pouvoirs. Moi qui sais reconnaître la grimace et les regards voilés, je te fais Crieur du Mensonge. Tu seras alors entièrement moi, et non plus visage volé. Tu verras en chacun la couleur de leur parole et de tes dames, tu comprendras ta solitude quand elles s’obligeront à te rendre tes amours. Homme bien seul, héros trop idiot. N’essaie plus de parler, je ne te laisserai plus broder tes exploits dérobés. Ta parole est mienne. De tous les mots du monde, seul Mensonge, sera celui qui pourra traverser ta gorge. Mensonge, voilà ton vrai nom.

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