The Nightmare par Henry Füssli (1781)
Facternités : Un poème par Maël Waechter, étudiant en L1 Archéologie.
TW : Ce texte touche aux sujets sensibles de l’anorexie, la dépression et la dysphorie de genre.
Caresser ses joues en imaginant un ailleurs
Un monde peut-être meilleur
Maël waechter
Je me lève la joue collée contre des draps froissés
Lit défait d’une nuit agitée
Nuit sans sommeil animée par un esprit troublé et dépourvu de vivacité
La pièce est sombre et ma vision brumeuse
Mes mouvements anémiques et hagards sont ceux d’une poupée de chiffon usée
Rituel matinal d’une existence sans but sans envie sans plaisir
Chercher à tâtons le sol la porte l’évier
Réapprendre à marcher chaque matin à un corps épuisé qui a cessé de s’alimenter
Plonger le visage dans l’eau glacée pour tenter de sentir un petit rien ou un grand tout
Répéter inlassablement les mêmes gestes et attendre
Attendre les secondes les minutes les heures
Attendre le couché du soleil pour se réfugier à nouveau dans un sommeil blanc
Contempler la lune Contempler le plafond Contempler le vide
Pleurer
Pleurer bruyamment
Pleurer silencieusement
Prier
Serrer ses genoux contre son ventre inexistant
Sentir ses os saillants
Caresser ses joues en imaginant un ailleurs
Un monde peut-être meilleur
Répéter encore et encore le scénario de notre scène finale
Apogée d’une vie accroupi à serrer les poings
D’une vie à compter les battements d’un coeur affaibli
D’un coeur qui ne veut plus
D’un coeur qui ne sait plus
Je m’appelle Maël, j’ai 21 ans et je suis étudiant en licence d’archéologie à l’Université de Strasbourg. Je suis également un homme trans et bisexuel.
J’aime préciser ces deux dernières étiquettes quand je parle de moi et de mon identité, car ce sont des pièces inséparables de mon travail artistique et de mon militantisme. L’an dernier, j’ai entrepris l’écriture d’un recueil de poésie pour m’aider à traverser la dépression chronique qui devenait trop pesante. À la manière d’un journal intime, j’ai écrit jour après jour les fluctuations de mes émotions, mes larmes, mon silence, ma colère, mais aussi mes amours. Mon amour pour les corps hors normes, pour les corps queers, les corps abîmés, et enfin pour mon propre corps.
Mon rapport au corps en tant que personne trans est extrêmement conflictuel, mais à travers l’écriture, j’ai su trouver un certain apaisement. Écrire sur mon corps et sur ma santé mentale m’est très thérapeutique et j’espère que mes écrits résonneront chez d’autres personnes.
Vous pouvez trouver quelques-uns de mes poèmes sur mon compte Instagram @mael.wae et je parle également de transphobie dans le milieu du dating sur mon compte @ptrans_vs_grindr