L’Atelier de Création Poétique (ACP) de la Faculté de Lettres de l’Unistra présente quatre séries de Haïkus, par Lysa Gremeaux, Pascal Maillard, Marius Drant, et Elias Levi Toledo. Ceci est un choix de ses travaux du mois de juin.
Haïkus par Lysa Gremeaux :
l’eau coule sur un
couple de paupières et
enfin elles s’endorment
visage moderne
et sous les nappes se cache
une page vierge
l’écorce est asséchée
par les longs pleurs étouffés,
démembrée elle s’évapore
des débris de masque
braquent leurs armures
au coin des rues
violemment dévoilée
mon élan s’étire en dehors des sentiers
or masqué je l’ai toujours été
Le masque tombe, haïkus par Pascal Maillard :
Sous le tapis de feuilles
Une feuille
Et sous la feuille ton visage
La terre ouvre ses lèvres
Une flèche traverse
Le ciel comme une joue
Je t’embrasse
Le masque tombe
Un trou rouge dans la nuit
Le cri couvre ma voix
Je cours dans le noir
Ton visage collé sur ma peau
L’eau fraiche du ruisseau
Un poisson sous le rocher
Et toute l’eau dans l’œil du poisson
Haïkus par Marius Drant :
Un homme
Mange
Un homme
Le mangeur de chair s’arcboute
Déchire la peau
Le son des yeux qu’on arrache au goulot
Je prendrai cent cinquante-trois oignons
Et tes larmes couleront chaudes
Comme des cascades enrouées
Pratiquez-vous la parole ?
Personnellement je ne donne
Que dans le balbutiement
La chaise sur laquelle j’écris craque
Une marmotte aiguise
Ses dents sur le diamant
Mon masque est une prison
D’ores et déjà dorée d’avant
Le masque doré divin déviant
Un architecte jaune
S’épuise en dégustation
de piliers de plâtre
Haïkus par Elias Levi Toledo :
I
mes oreilles détiennent
la voix de ma mère de la mer
et la crise sanitaire
II
la ville étoilée sous le ciel
je dirais mon nom
mais mon masque
III
un oiseau se penche sur
la chute mortelle de la falaise
– mon nez sur mon masque
IV
le ciel le nuage
la terre et la brume
mes verres et mon masque
V
en revanche sur mon vélo
je mange moins
de mouches
L’Atelier de Création Poétique travaille sur le thème double du rythme et du masque. Pour cet exercice, l’inspiration vient de la forme poétique japonaise du haïku : trois vers (souvent de 5, 7 et 5 syllabes) qui donnent une image de la nature et les rapports entre le surprenant et le banal.
Un avis sur « Haïkus masqués | La Chronique de l’ACP »